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Le fin mot de l'écrit
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Le fin mot de l'écrit
10 mai 2008

A l'herbe mauvaise

Ma vivace,

Toi que l’on dit folle et mauvaise, que l’on craint de voir poindre parmi les fleurs fragiles, toi que chacun veut sans soin extirper de son précieux jardin, malgré ta robustesse, tu es si peu de chose, mon herbe inutile, face à l’espèce protégée par la filandreuse vanité humaine.

Déracinée au nom d’une culture, même si la main te cueille, c’est pour mieux te détruire, puisque vert parasite, maquis de moisissure, hors des vases fétiches, loin des boutons chétifs, tu es si peu de chose, mon herbe inutile, moins prisée qu’une rose ou qu’un champ de maïs.

Sauvage souvent, rétive aux herbicides, toi que l’on dit chiendent et si envahissante, tu campes hostile entre les pierres des faubourgs désertés, où tu hantes acculée le pavage de l’incurie. Et tu cries aussi exil à l’angle de la stèle des oubliés. Tu es si peu de chose, mon herbe inutile, variété plus ternie que les façades closes de parpaings gris.

Toi que l’on dit goulue et coriace, que l’on sarcle avec hargne pour des plants plus gracieux, toi que l’on prétend évincer des semis trop rangés, bannir des plates-bandes d’apparat, toi qui devrais quitter les allées des parcs et céder, d’autre part, tes pousses et tes friches au bulbe du goudron, tu es bien autre chose qu’une herbe inutile qui, au lieu de périr, recouvre encore quelques sillons fertiles.

Tu as la senteur première de la terre et de la liberté. Et c’est couchée sur toi que je t’écris.

Je crois en toi mon herbe indocile.



Ce texte se trouve aussi sur Paroles Plurielles :
http://coumarine2.canalblog.com/ répondant à la consigne 68

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Commentaires
F
Gaston,<br /> La mauvaise herbe symbolise ici la marginalité, ce relief qui sort de l’entendement unanime, et que toute société rejette, plus ou moins vertement, au nom des critères réguliers, afférents à sa propre culture : mœurs, esthétisme… en vertu du conformisme et/ou en vue du « progrès ». Voilà l’idée qui prédominait en écrivant ce texte.<br /> Mais, une fois lu votre commentaire, je me suis interrogée : inconsciemment n’était-il pas, dans ces quelques lignes, un peu question de moi, aussi ?
G
Il faut avoir bu quelques coupes amères, et souffert en son coeur "entre les pierres des faubourgs désertés", pour oser cet éloge de la sauvage qui n'est peut-être rebelle que parce qu'on l'a méprisée.<br /> Ce beau texte touchant en dit plus que bien des confidences.
T
Je t'avoue que je viens de plonger dans tes lignes tout entier! <br /> et j'en suis très heureux...
Z
Quel beau sujet<br /> <br /> La nature si belle ne peut pas faire d'erreur de mauvais goût, toutes plantes à son charme, mais....le chiendent? Bon je ne l'enlèverai pas avec hargne, mais en m'excusant.<br /> En tout cas, c'est bien vu, bien dit avec tant de poésie.<br /> <br /> Bonne fin de long week-end<br /> <br /> Bisous de zibulinette
F
Val,<br /> Il est beaucoup question d'amour, certes . Amour de l'autre, de la nature... mais de la déception et de la peur aussi. La vie quoi !
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