Lettre d'une simple de coeur
Si ce cadeau ne vient pas de toi, de quoi est ce présent ?
Cette nuit, j’ai entendu murmurer le noir qui me répétait l’impatience des lendemains, j’ai donc attendu avec effroi le froid du jour et le voile du matin...
Si j'ouvrais les volets ? Verrais-je le soleil pointer ? Dis-moi que cela ne tient pas à un grain de pluie, qu'il faut au moins une rafale pour nous essaimer et, quand bien même, que nous lui résisterions à la poigne de nos désirs !
Je nous remémore, ma tendre, dans nos premiers échanges. Penser qu’à une seconde près, à une hésitation, nous nous serions manquées… La vie même concourait donc à nous séduire. Aujourd’hui en sursis, j’épluche les éventualités, toute à cette inclinaison au plus que parfois ; je m'interroge évidemment, quand ta silhouette se détache en finesse, quand tes appels me reviennent. C'est comme ouvrir un volet pour faire sourdre l’intuition.
Les mots se refusent à mes phrases, ils ne veulent pas pleuvoir...
Ils veulent le talent de croire ; ils veulent enfantins dessiner des rayons autour d'un grand cercle jaune, surplombant le toit d'une maison, une cheminée apparente et un nuage de fumée, et puis un long chemin serpentant vers l'avenir, tant arboré d'espoir... Ils veulent un patio à notre raison d'aimer, un jardin à nos attentes.
Les mots s 'interdisent de pleurer sur un écran d'incertitude. A des lignes d'écriture craintive, ils préfèrent la flèche vive d'un "je t'aime" de plein fouet.
Tu souffres mal que l’on s’éloigne à prétendre que les sentiments ne se suffisent pas, peut-être alors vais-je trop loin dans l’idéal ? Moi, je rapporte en souvenance un présent tangible, ramassé sur une voie jusqu’ici inexplorée, une traînée de joies qui me ramène à Nous bien avant, pour nous rendre bien après…
Je t’aime d’un amour lourd de volonté, puisqu’il soumet ta constance à l’épreuve de l’espace temps et de la distance.
Je t’aime d’un amour lourd de légèreté, puisqu’il soumet ta souplesse d’âme aux aléas des jours sans et des jours avec.
Mais je t’aime d’un amour pur, dans ce qu’il met de vrai et de sensible, malgré "soit". Je t’aime, décidemment, en connaissance de fièvre et de raison.
Souviens-toi comme tout vient de près quand tout porte au-delà, et que rien ne se reproche rien. Souviens-toi dans le détail l’importance que tu as pour moi et la justesse de ce que nous sommes.
Car par-dessus toi, je n’aurai pas d’obscur faux bond, seul l’éclat suspendu à l’improvisé, et la tendresse aussi, toujours essentielle, où viendra se greffer cet accidentel.