Vous rendre le sourire
Je ne vous suivais pas, non. Vous filiez votre gêne, quand de dos j’allais de l’avant, et sans vouloir vous doubler, je vous l’assure, je croisais mon chemin. Mais à vos épaules peu fières, à votre allure en peine, je devinais chez vous cette langueur qui gaine, aussi ai-je, légère, ralenti le train.
Le vent discret portait votre parfum, j’ai reconnu le vent. Il sentait le bouquet de l’oubli, bien après le soufre du courroux. C’était le vent qui tourne, passé le tourbillon.
Vous savez quoi ? Comme je marchais près de vous, je voyais sous vos pas, la sève évincée par le bitume, la griserie pilée dans le béton.
Je ne vous suivais pas, non. Vous regardiez devant, je regardais derrière, et sans vouloir voler vos airs, je vous l’assure, je les prenais au vol. Malgré votre masque en cuir, par-dessus votre manteau de cire, je percevais chez vous ce vernis qui préserve, aussi ai-je, réservée, rencontré le sol.
Ce sol discret portait votre parfum, j’ai reconnu le sol. Il sentait le flacon des déboires, bien après le philtre des soupirs. C’était le sol qui se dérobe, le trottoir du repentir.
Vous savez quoi ? Comme je traversais sereine, vous avez, Madame, égaré en chagrin un précieux présent. Et moi j’aurais aimé, allante, vous rendre le sourire…