Si tu écrivais

Si tu écrivais, ce soir, pour briser le silence ? Tu parlerais de tout, de tous ces petits riens dont on fait une montagne pour noircir l'existence.
Elève donc une plainte ! Et pour qu'elle s'entende, à la fois douce et poignante, élève-la bien haut !
Prends les mots nécessaires, parcours du crayon les chemins cahoteux tant aimés par le monde. N'oublie aucun désert, aucun recoin, aucune ombre... et trace des oubliés le coeur sans cesse en reste.

Si tu écrivais, ce soir, cherchant après l'absence ? Quand l'avenir de nos aïeux se fond dans le passé de notre descendance et que je me tiens là, jaillie de l'incidence, lancée sur l'autoroute : décrie donc ma présence ou décris-moi la route.

Si tu écrivais, aussi, à la pointe du jour ? Tu broderais la vie sur l'étoffe du levant. Imagine, sous le soleil naissant, cet enfant dont le sourire des yeux se brouille aux coins des lèvres, parce que déjà il a vécu avant d'avoir vieilli. Il faut si peu de nous parfois pour refaire une enfance...

Entends-tu, par cette journée rafraîchissante, retentir le pas enchanté des autres bambins ? Pourquoi ne pas plutôt décrire l'élan qui les pousse ? Il n'y a rien en eux qu'il n'y ait eu en nous. Et cette flamme d'espérance qui les anime, jusqu'à la dernière minute d'ailleurs, pourquoi devrait-elle faiblir ?

Alors ?

Alors, si tu l'imprimais cette ultime minute ? L'incandescence resurgirait sans doute, éternelle. Allez ! Noircis la feuille immarcescible de ce feu qui nous brûle, et brûle de plus belle d'écrire et d'écrire.